Entretien avec 4 auteurs pour les 10 ans de Critic

Les éditions Critic viennent de fêter leurs 10 ans d’existence en ce mois d’octobre. Comme 10 ans ça se fête, je voulais revenir sur cette maison d’édition qui publie aussi bien des littératures de l’imaginaire que des polars, et quasi exclusivement des auteurs français. Sur le blog de Babelio, on peut retrouver un entretien avec Eric Marcelin : ici. Sur le site de Chut…maman lit, on peut aussi trouver un article où sont présentés les coups de cœur de 10 blogueurs chez Critic: ici. Afin de fêter cet anniversaire en beauté, 4 auteurs ayant travaillé avec les éditions Critic ont accepté de répondre à quelques questions.

Imagecritic

• Pour commencer Clément Bouhelier, auteur de cinq romans tous parus chez Critic :

– Peux-tu nous expliquer la genèse du projet pour Chaos, ta première collaboration avec les éditions Critic?

Alors, pour ce qui est de la génèse de Chaos… en fait, j’ai commencé ce livre bien avant de contacter les éditions Critic (ou d’ailleurs toute autre maison d’édition). Le projet s’articulait au départ autour de 3 livres. Pour des raisons éditoriales, il a finalement été ramené à 2 uniquement. Je n’avais pas trop conscience à l’époque que cela représentait déjà un risque pour un éditeur, j’étais un peu naïf 😉 .

Quand le livre a été écrit aux deux tiers environ, je me suis dit que ça valait peut-être le coup de le soumettre à un éditeur. N’ayant jamais tenté ce genre de chose avant, j’ai fait ce que font, je pense, la plupart des jeunes auteurs : j’ai cherché sur Internet des maisons d’édition susceptibles d’accepter le manuscrit. J’ai envoyé le manuscrit à une vingtaine de maisons. J’ai pris soin de respecter les conditions d’envoi (elles sont généralement précisées sur les sites des éditeurs). J’ai reçu deux réponses quelques mois plus tard : une maison a « presque accepté » Chaos avant de décider finalement de ne pas le prendre. Et Critic l’a pris. Je me souviens d’un coup de téléphone avec Simon, l’un des directeurs de Critic, qui m’expliquait la suite des opérations. Je me rappelle avoir été surpris par le fait qu’on pouvait signer un contrat alors même que la rédaction n’était pas terminée !

Nous avons longuement discuté à cette occasion et j’ai eu l’occasion de revenir sur les « origines » de ce premier roman. Je l’avais commencé alors que j’étais encore journaliste : j’avais été marqué par deux choses. La première était une visite dans un centre d’accueil pour personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer, la seconde l’épidémie H1N1 qui a déclenché une psychose terrible. Ces deux événements m’ont pas mal inspiré pour écrire Chaos, même si j’ai ajouté un côté SF / fantastique. Lors de la discussion avec Simon, je lui ai dit comment je voyais la fin, il m’a donné quelques conseils et quelques recommandations pour la suite et certains personnages.

J’ai compris un peu après qu’une maison d’édition n’accepte pas seulement un texte, mais une personne avec qui travailler. Du moins, c’est ce qui s’est passé pour moi. Il est par ailleurs très enrichissant de travailler avec Critic, qui possède la « double casquette » librairie et maison d’édition.  Petite anecdote supplémentaire : c’est une personne en stage chez eux à cette époque qui a repéré le manuscrit de Chaos et l’a confié aux responsables. Cette personne a par la suite été ma directrice de publication.

Chaos

– Comment s’est passé la rencontre et le travail en commun avec les éditions Critic?

Concernant maintenant le travail avec Critic… Beaucoup de choses ont été réalisées avec la directrice de publication. À intervalles réguliers, je lui envoyais les nouveaux chapitres. Elle les lisait, me donnait son avis, me faisait des retours assez précis. Je pense avoir accepté 95% des demandes qui m’ont été faites… et avec le recul, je regrette de ne pas avoir accepté aussi les 5% restant ! 🙂

Grâce à la directrice de publication, le roman a énormément gagné en cohérence. La fin que j’avais prévue a été modifiée… et c’est une excellente chose je pense. Bref, l’accompagnement a été bénéfique, et très bienveillant. J’ai beaucoup appris lors de ce travail.

Les projets suivants (Passé déterré et Olangar) ont été menés globalement de la même manière, à ceci près que la soumission d’un texte ne se fait plus de la même manière. Quand on a déjà travaillé avec l’éditeur, les propositions se font plutôt en direct, en discutant avec lui. C’est comme cela que j’ai soumis mes deux romans suivants. Concrètement, on propose un idée, un univers, et l’éditeur donne son avis sur la faisabilité. Ensuite, comme pour Chaos, j’ai envoyé mes chapitres à intervalles réguliers, et de même, j’ai bénéficié de retours et de conseils de la part du directeur de publication.

Je trouve cette manière de travailler assez agréable : on sait assez rapidement si on a toujours le ton juste, si on reste dans la bonne direction. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, cette manière de faire ne bride pas la créativité, bien au contraire : le fait de parler de son travail donne de nouvelles idées, d’autres pistes… Les retours que j’ai eus de Critic m’ont toujours permis d’avancer et de trouver des solutions.

Cela s’est encore confirmé avec Olangar, un roman pour lequel Simon et Étienne, des éditions Critic, se sont énormément investis. Le prix reçu lors de la 25ème Heure du Livre du Mans tient beaucoup à leur travail. 

– Y a t’il d’autres projets en vue avec les éditions Critic?

Ce sera une suite à Olangar. Sans trop en dire, cette nouvelle intrigue se déroulera 5 ans après les événements de « Bans et barricades », et on y retrouvera certains des personnages du premier opus. Ils ont bien entendu évolué. J’ai essayé d’introduire de nouvelles thématiques, de nouveaux enjeux. L’idée était de faire un roman qui puisse se lire indépendamment du premier. Je n’en dis pas plus… si ce n’est que la rédaction est achevée, que nous en sommes à la phase des corrections, et que j’espère bien vous présenter cette suite dans la première partie de l’année 2020 😉. Et pour la suite… j’ai encore des idées, j’ai la chance de ne pas être « à sec ». 🙂

……………………………………………………

• Pour continuer Emmanuel Chastellière, auteur de plusieurs nouvelles et de 4 romans:

 

Peux-tu nous expliquer la genèse du projet pour L’Empire du léopard ?

L’idée de L’Empire est née d’une nouvelle parue chez Rivière Blanche dans l’anthologie Routes de légende/Légendes de la route, qui se déroulait dans le même univers, mais dans un cadre correspondant aux années 1950, alors que L’Empire repart en arrière, en 1870.

J’avais très envie d’écrire de la fantasy, certes, mais loin de la plupart de ce que j’ai pu lire ou traduire au fil des ans. J’avais beaucoup aimé travailler sur un roman comme Les Mille Noms de Django Wexler et j’ai peu à peu développé mon scénario, avant de le soumettre directement à Critic. J’ai eu la chance qu’ils l’acceptent tel quel et me donnent le feu vert pour me lancer.

J’avais déjà écrit Le Village et Célestopol venait de sortir à ce moment-là, mais chez un autre éditeur dans les deux cas. J’estime être encore un débutant, mais je l’étais donc encore plus en 2017. Avec le recul, je pense que le timing était parfait. Ils avaient envie de fantasy et moi aussi !

cof

Comment s’est passé le travail en commun avec les éditions Critic ?

On ne peut mieux. Le roman a été publié sous la direction de Simon Pinel, que je pouvais embêter à ma convenance. Bon, sauf quand il était en pleine phase finale de corrections pour un autre projet, évidemment ! J’ai rédigé mon premier jet dans mon coin, en le questionnant si besoin, mais son œil d’éditeur s’est révélé extrêmement précieux lors des relectures et des corrections, d’autant que c’était donc mon premier projet avec eux et que l’on se découvrait malgré tout mutuellement sur un plan professionnel. Je crois être passé par de drôles d’état lors de ces semaines-là, pour ne pas dire que j’ai frisé la panique, et Simon a toujours su trouver les mots pour m’encourager et me remettre sur le droit chemin. J’aurais peut-être dû l’écouter encore un peu plus.

Je voulais aussi citer la correctrice du roman, Camille, qui m’a elle aussi beaucoup aidé avec des suggestions toujours pertinentes, et je ne parle pas de « simples » points de grammaire, bien entendu.

Y a-t-il d’autres projets en vue avec les éditions Critic ? 

Si je devais répondre d’une phrase à cette question, eh bien… Rendez-vous le 20 février 2020 en librairie, pour découvrir La Piste des Cendres. 😉 Il me semble que Critic a été plutôt content de l’accueil fait à L’Empire et ce nouveau roman s’est décidé assez rapidement !

Il se déroule dans le même univers que L’Empire du Léopard justement, mais 25 ans plus tard et ce n’est PAS une suite, je précise. Donc une lectrice ou un lecteur intéressé pourrait très bien commencer par celui-ci. Pour plaisanter, et parce qu’on dirait parfois que c’est obligatoire de trouver « la » formule de présentation, je le décrivais au début comme un mélange entre Légende de David Gemmell et Red Dead Redemption, mais évidemment… les choses ont changé en cours de route ! Et me revoilà justement plongé en pleines corrections.

Je suis très content en tout cas de faire partie de l’aventure Critic même si je ne suis pas l’un des plus anciens de la bande, loin de là. Mais j’espère être encore là pour les vingt ans, qui sait ?

……………………………………………………

• Pour continuer, laissons la place à Lionel Davoust, auteurs de plusieurs romans et nouvelles dont:

 

Peux-tu nous expliquer la genèse du projet pour La Volonté du Dragon, ta première collaboration avec les éditions Critic?

À l’époque, j’avais publié dix ou quinze nouvelles en anthologies assez remarquées mais pas de volume seul (à part deux mémoires, l’un sur les échouages de mammifères marins en France, l’autre sur la réalisation d’un démonstrateur de modèle de calcul de propagation électromagnétique, c’était vachement bien, je vous assure, par contre niveau narration, ça manquait de personnages). Lors d’un festival, Éric Marcelin et Simon Pinel, alors mes libraires rennais de longue date, sont venus me parler de leur « petit projet » – monter une maison d’édition – en s’excusant presque : « ça promet d’être confidentiel, hein, on sortira deux à trois livres par an, on se fera diffuser par des libraires partenaires, mais bon, on aime bien ton travail en forme courte, tu aurais envie de faire une novella avec nous ? »

Peu m’importait l’envergure du projet ! J’étais honoré et enchanté qu’on vienne me proposer de faire partie d’une telle aventure, pour proposer mon tout premier livre, surtout avec des gens que je connaissais et appréciais déjà beaucoup ! Dix ans plus tard, Critic s’est imposé dans la durée et est devenu un des acteurs de premier plan de l’édition indépendante d’imaginaire française, avec près de 100 titres, et surtout, 10 ans d’existence. Dans un domaine ardu comme le livre, c’est un réel haut fait, et je ne suis pas moins honoré et enchanté aujourd’hui de continuer à travailler avec eux.

volontédragon

Comment s’est passé le travail en commun avec les éditions Critic?

Il y a eu beaucoup de projets depuis et La Volonté du Dragon commence à remonter, alors la mémoire des détails me fait un peu défaut sur ce livre précis, pour être très honnête. Je sais cependant que j’ai entamé une longue tradition personnelle : la novella d’environ 80 000 signes que je leur avais promise s’est transformée en roman de 300 000… Mais ils l’ont reçu avec presque plus d’enthousiasme que le projet d’origine ! Ce qui reflète l’attitude générale de Critic : je peux dire que depuis dix ans (et six livres publiés chez eux), toute l’équipe montre un inestimable souci du projet et de l’auteur. Pour moi, un bon éditeur, c’est quelqu’un qui va comprendre ce que vous avez essayé de faire et va vous montrer là où la réalisation n’a peut-être pas complètement servi vos intentions, pour porter le texte plus loin. Tout le monde chez Critic a toujours eu cette préoccupation depuis le début : faire de bons livres, en espérant les vendre bien entendu (il faut bien que tout le monde mange), mais avant tout, qu’auteur comme éditeur soient contents du résultat final. Et Critic soutient depuis le début cette création déraisonnable qu’est le monde d’Évanégyre (des récits totalement indépendants les uns des autres, mais se passant à des siècles d’écart dans le même monde, avec des renvois subtils pour le lecteur attentif) avec enthousiasme et me laisse une liberté créatrice qui n’a pas de prix. Quand je propose un projet, on ne me répond jamais d’emblée « non, c’est impossible de faire ça », la réponse est « bon, laisse-moi réfléchir pour voir comment on peut faire ». J’ai beaucoup de chance d’avoir pu grandir comme auteur aux côtés d’un éditeur fantastique, dans une aventure humaine (car l’édition est avant tout une aventure humaine) comme on n’en connaît qu’une seule fois dans une vie.

Y a t-il d’autres projets en vue avec les éditions Critic?

Et comment ! Déjà, il y a la très vaste saga de « Les Dieux sauvages » (La Messagère du Ciel, Le Verrou du Fleuve, La Fureur de la Terre publiés à ce jour) à boucler : le tome IV, L’Héritage de l’Empire, sortira à l’automne 2020 et le cinquième et dernier, La Succession des Âges, paraîtra au printemps 2022, tout cela chez Critic bien sûr. Et bien sûr, il y a encore beaucoup d’autres histoires à raconter avec Évanégyre comme toile de fond, et il y a quelques autres projets qui commencent à mijoter pour l’après « Les Dieux sauvages »… mais il est encore un peu tôt pour en parler !

cof

……………………………………………………

• Pour finir, laissons la place à Thomas Geha, auteur de plusieurs romans dont:

  • Les créateurs  en 2012
  • Des sorciers et des hommes en 2018
  • Le Sabre de sang, tome 1: Histoire de Tiric Sherna en 2009
  • Le Sabre de Sang, tome 2: Histoire de Kardelj Abaskar en 2011
  • Alone, l’intégrale en 2014
  • American Fays en 2014

Peux tu nous expliquer la genèse du projet pour Le sabre de sang (ta première collaboration avec les éditions Critic) ?

La genèse ? Eh bien, à l’époque je travaillais non pas à la librairie Critic mais au Forum du Livre à Rennes. J’avais déjà travaillé à Critic avec Eric Marcelin quelques années auparavant mais j’avais dû en partir pour des raisons économiques, après avoir tout de même beaucoup aidé à monter un gros rayon littératures de l’imaginaire au magasin. Il se trouve que Simon Pinel, lui, avait été mon stagiaire (et je l’avais eu en cours aussi, car je donnais un cours à la fac sur la librairie) et qu’il m’a remplacé à Critic d’abord comme stagiaire puis comme employé (les deux avec brio… car oui c’est tout un art d’être stagiaire aussi). Étrangement, nous avons grandement sympathisé et quand il a eu un projet de master à définir il m’a proposé, avec Eric de Critic qui de toute façon voulait se lancer dans l’édition et voulait ce manuscrit, de publier un de mes romans. J’en avais un dans mes tiroirs, commencé avant même que je publie A comme Alone : Le sabre de sang. Voilà comment Critic est devenu mon éditeur pour ce livre. Plus tard, je suis revenu travailler à la librairie, dans le but inavoué de vendre des palettes de mon livre. Finalement je me suis rappelé que j’aime trop ceux des autres.

– Comment s’est passé le travail en commun avec les éditions Critic?

Pas très bien. Je lançais une maison d’édition concurrente, Ad Astra, et nous étions prêts à fourbir les armes pour entrer en guerre. Tout promettait une bataille sanglante. Les tranchées étaient creusées. Il ne pouvait en rester qu’un. Et puis en fait… en fait, euh. Non ça ne s’est pas passé comme ça. En fait, tous les trois, on s’entendait très bien. Donc le travail en commun a été facile. Le schéma classique, en ce qui me concerne, était là dès le départ : j’ai un manuscrit à rendre, j’ai du retard, ça gronde un peu, je dis que je suis pas une machine et que je fais de mon mieux (ce qui est vrai, mais mon optimisme est souvent rattrapé par la cruelle réalité, celle du Manque-De-Temps), puis le texte final est là, on le retravaille avec Simon (ou, par la suite, avec mes autres dirlitt/correcteurs Florence Bury, Étienne Vincent et Camille Mathieu), je gronde parce qu’il y a trop de corrections, puis je rends celles-ci en retard, puis tout le monde est content parce que c’est beaucoup mieux, et enfin, le bouquin est prêt et tout le monde est encore plus content. Bon, surtout si le bouquin marche bien. Et globalement, je n’ai pas à me plaindre. Après tout ça, donc, je suis fatigué pendant des mois et je dis que je n’écrirai plus jamais de roman.

– Y a t’il d’autres projets en vue avec les éditions Critic?

Si la question est des « projets pour moi », hormis l’intégrale du Sabre de Sang qui devrait sortir finalement en novembre 2020, rien dans la longue vue du point de vue romanesque. Toutefois, je sortirai l’an prochain aux Humanoïdes Associés une bande dessinée de 200 pages consacrée à une « histoire de la Science-Fiction ». En gros, de l’épopée de Gilgamesh à maintenant. Aux pinceaux, le brillant Djibril Morissette-Phan, que l’on a pu découvrir avec l’album Cryptomonnaie chez Dargaud ou encore par les séries Avengers et X-Men chez Marvel. Cet album, pour lequel j’ai passé un test au même titre que d’autres auteurs de SF, prendra place, du fait que j’ai été choisi pour le projet, et sur la proposition d’Eric Marcelin, dans la collection « Critic-Humanoïdes Associés ». J’ai un peu l’impression avec ce projet, car je me suis battu comme un acharné en librairie pour la promotion du genre, de boucler une boucle.

……………………………………………………

On souhaite à nouveau un très bon anniversaire aux éditions Critic, en espérant que ces interviews vous auront donné envie de mieux connaitre leurs auteurs. Si vous voulez retrouver d’autres chroniques des éditions Critic sur ce blog, les voici:

Voir aussi: Interview Clément Bouhélier chez nos amis du Bibliocosme

 

24 commentaires

  1. Très bonne nouvelle que celle de la sortie prochaine de cette suite d’Olangar ! (et puis de celle de L’empire du Léopard également, bien sûr, mais là, j’étais déjà au courant, par contre). Et très bonne initiative de ta part que celle de cette quadruple interview 😉

    Aimé par 2 personnes

Laisser un commentaire