Miroirs et fumée-Neil Gaiman

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Dans le numéro de Bifrost consacré à Neil Gaiman, ce recueil était fortement conseillé. J’ai par conséquent eu envie de le lire, afin de me faire une idée de ce que donnait l’écriture de l’auteur dans un format court. Tout d’abord, il faut savoir que les nouvelles constituant ce recueil ne sont pas liées par un univers particulier ou une thématique, mais ont été choisies par Neil Gaiman qui a imaginé ce recueil. Les textes présents ont été écrits dans la période allant du début des années 80 jusqu’à 1998, année où l’écrivain a constitué le recueil de 31 textes.

Parmi ces 31 textes, on trouve différents registres, différentes formes d’écriture allant des poèmes à des textes très courts puis des nouvelles plus longues. Les mythes et les contes sont une des sources d’inspiration de ces textes qui évoluent du fantastique à la fantasy. Le recueil est ainsi marqué par la diversité à plusieurs titres : formes, écriture, genre littéraire, thématique. Cependant, dans tous ces textes, on retrouve « la patte » de Neil Gaiman qui traite l’ensemble des sujets avec une perception bien particulière et originale et surtout sa plume si unique, fluide, très imagée, capable en quelques mots de dépeindre un personnage et une situation.

Le livre débute par un poème suivi d’une introduction où Neil Gaiman explique les circonstances de l’écriture de chaque texte. Chose surprenante, Neil Gaiman y a ajouté un texte appelé « Le cadeau de mariage » qui est une histoire qu’il voulait offrir à des amis pour leur mariage. L’idée de la nouvelle est géniale: un couple reçoit en cadeau de mariage anonyme un texte sur leur mariage qui va s’avérer se modifier au fil des années. Le texte est court mais vraiment très beau, parlant à la fois du deuil, et des différents choix de vie. La lecture de l’introduction vaut vraiment le coup, rien que pour ce texte, plein de sensibilité.

Il y a beaucoup trop d’écrits pour parler de chacun d’eux. Parmi les textes courts, il y en a un très original « La Fille des chouettes » qui est écrit dans un langage rappelant l’ancien temps. Parmi tous ces textes courts, on y trouve le diable, le Père Noël, un étrange personnage peuplant les rêves. Ces écrits contribuent à l’ambiance du recueil qui semble façonner un monde proche du notre, comme si on voyait tout au travers d’un miroir qui nous emporterait vers un univers proche de l’onirisme. Un miroir de notre monde, de nos mythes, de nos contes où la vision des choses n’est plus la même:  dans Neige, verre et pommes, Neil Gaiman revisite l’histoire de Blanche-Neige en la racontant du point de vue de la belle-mère et avec une Blanche-Neige très différente de celle du conte. Cette nouvelle vision de la légende est vraiment excellente, un peur bonheur de lecture.

Le folklore est également au centre d’autres nouvelles, comme Chevalerie, où une vieille dame trouve le Saint Graal dans un magasin de seconde main pour une somme dérisoire (si le roi Arthur savait cela, il en perdrait son latin!). Elle croisera ainsi le chevalier Galaad qui aura du mal à négocier avec elle. Neil Gaiman nous offre un texte cocasse et plein d’humour. Une autre nouvelle liée à la mythologie qui vaut à elle seule la lecture du livre: Le Troll sous le pont (un titre magnifique, vraiment). Un jeune garçon rencontre un troll sous un pont qui veut lui prendre sa vie, il arrive à négocier avec lui et promet de revenir. L’auteur revisite ainsi cette légende de très belle manière avec une fin  bien amenée. Dans Les Mystères du meurtre, Neil Gaiman s’intéresse à la religion catholique avec l’histoire revisitée de la rébellion de Satan. Dans Le Bassin aux poissons et autres contes, c’est le folklore autour du cinéma et d’Hollywood qui au cœur du récit avec un écrivain anglais (rappelant vaguement quelqu’un) se rendant à Los Angeles.

D’autres écrits sont des hommages à des écrivains de l’imaginaire :Une vie, meublée en Moorcock première manière raconte l’histoire d’un jeune garçon fan de Michael Moorcock et plus particulièrement d’Elric. Le jeune garçon rappelle également l’auteur sous bien des aspects. Michael Moorcock a d’ailleurs beaucoup aimé le texte. Neil Gaiman aime beaucoup Lovecraft et on trouve ainsi 2 textes liés au maitre de Providence: La Spéciale des Shoggoths à l’ancienne et Une fin du monde de plus où on croise un lycanthrope vivant à Innsmouth. La Spéciale des Shoggoths à l’ancienne désigne une bière un peu particulière, que va boire un jeune homme visitant l’Angleterre et découvrant une ville appelée Innsmouth. L’ambiance du récit est proche de Lovecraft, et c’est une des meilleures nouvelles du recueil.

Autre thème assez présent dans le recueil: le sexe. Avec tout d’abord le changement de sexe, effet secondaire non voulu d’un médicament soignant le cancer dans Changements. Les conséquences produites par cet effet sont inattendues et nombreuses, le médicament devenant une véritable drogue. Le sexe et les maladies dans Corps étrangers qui raconte comment une maladie vénérienne fait changer le comportement d’un jeune homme. Le sexe au travers de photos de charme dans Cherchez la fille où un homme fait une fixation pendant de longues années sur une jeune fille posant dans Penthouse, très beau texte plein de mystères. Enfin le sexe vu par un « escort man » qui a la faculté de savoir ce que les femmes ressentent.

Le titre du recueil est ainsi tout à fait symbolique: Neil Gaiman se propose de donner sa vision du monde au travers de miroirs, de filtres déformants vers l’extraordinaire. Il offre ainsi une nouvelle forme de mythologie à la fois moderne et différente mais toujours remplie de sensibilité et du désir de voir le monde différemment. Avec ce recueil, l’auteur prouve à nouveau son extraordinaire talent avec sa capacité à transformer l’ordinaire en merveilleux au travers d’une plume riche et pleine démotions. Comme un magicien, il utilise à merveille les miroirs.

Autres avis: Le Bélial

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Une vieille dame achète dans une boutique, sans le savoir, le Saint-Graal. Lorsque le chevalier Galaad vient le quémander croyant sa quête achevée, il ne se doute pas que la négociation sera âpre… Un écrivain anglais débarque à Hollywood pour adapter l’un de ses livres au cinéma. Il va faire une curieuse rencontre dans son hôtel jadis palace des starlettes… Miroirs d’un quotidien – le nôtre – en apparence banal mais glissant imperceptiblement vers le surnaturel ou l’absurde, voici trente textes surprenants, décalés, noirs, érotiques, souvent déroutants, toujours fascinants, qui proposent une réinterprétation brillante et moderne de tous les grands mythes de la littérature fantastique.

  • Traduction (Anglais) : Patrick Marcel
  • Paru le 12/09/2003 pour l’édition J’ai lu
  • Au Diable Vauvert décembre 2000.

9 commentaires

  1. C’est pas son livre le plus facile d’accès (y’a des choses tellement différentes) mais quand on aime les nouvelles c’est un régal. Pour ma part je pense que la nouvelle Chevalerie justifie à elle-seule cette lecture, c’est tout Gaiman résumé en quelques pages. Mais le reste est très bon aussi bien sûr !

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