Serpentine-Mélanie Fazi

serpentine

Une boutique de tatouage où l’on emploie des encres un peu spéciales. Une aire d’autoroute qui devient un refuge à la nuit tombée. Une ligne de métro où l’on fait d’étranges rencontres. Un restaurant grec dont la patronne se nomme Circé. Une maison italienne où deux enfants croisent un esprit familier… Tels sont les décors du quotidien où prennent racine ces dix nouvelles. Dix étapes, et autant de façades rassurantes au premier abord… mais qui s’ouvrent bientôt sur des zones plus troubles. Car les lieux les plus familiers dissimulent souvent des failles, écho de ces fêlures que l’on porte en soi. Il suffit de si peu, parfois, pour que tout bascule…

Auteure: Mélanie Fazi                  Éditions Bragelonne            Date de parution : 27/02/2008

Mélanie Fazi a publié 2 romans mais œuvre surtout en tant que nouvelliste.  Elle a publié 3 recueils de nouvelles: Serpentine en 2004 puis réédité chez Bragelonne en 2008, Notre-Dame-aux écailles en 2008 et Le jardin des silences en 2014. Elle est également traductrice depuis l’anglais. Elle a obtenu beaucoup de distinctions: le prix Merlin en 2002 pour Matilda une des nouvelles de Serpentine, le grand prix de l’imaginaire pour Serpentine en 2005 et le prix Masterton pour Notre-Dame aux écailles.

Mélanie Fazi a un style à part, qui fait une très grande part aux émotions et au ressenti. Les sens, qu’il s’agisse de l’ouïe par le biais de la musique ou de la vue, ont une grande importance dans ses textes. La musique est au cœur de Matilda où une fan d’un groupe se rend à un de leurs concerts,  mais l’étrange apparaît peu à peu par petites touches sans que l’on puisse vraiment savoir si le surnaturel est présent ou non, ou si la folie a pris le dessus. Plusieurs des nouvelles de ce recueil sont construites selon ce principe: Élégie, Rêves de cendre ou encore Le passeur. Ces textes sont racontés à la première personne, ce qui fait que l’on a un point de vue unique et on hésite clairement sur ce qui s’y passe: le surnaturel surgissant dans le quotidien le plus banal sans qu’on s’y attende vraiment ou est ce la folie qui pousse les protagonistes à ressentir cela?

Pour moi, plusieurs nouvelles sortent clairement du lot et m’ont particulièrement touchée. Le faiseur de pluie est une très belle nouvelle sur l’histoire familiale et le souvenir où des enfants passant leur vacances avec les parents dans une vieille demeure familiale en Italie vont prendre conscience de l’importance du passé au travers de l’esprit de la maison. La mémoire est aussi au cœur de Ghost town blues qui parle d’une ville fantôme qui se nourrit des souvenirs des gens de passage pour rester en vie. Cette nouvelle conclut d’ailleurs le recueil avec brio dans une ambiance western assez à part. Mémoires des herbes aromatiques m’a également beaucoup plu, étant donné que j’aime beaucoup la mythologie grecque. On y retrouve Circé tenant un restaurant dont Ulysse est un client. La nouvelle donnant son titre au recueil Serpentine est également une des plus réussies, elle parle d’un  salon de tatouage un peu particulier, dans lequel les encres utilisées par un des tatoueurs ont des pouvoirs spéciaux.

Une des choses qui m’a le plus marqué dans ce recueil et chez Mélanie Fazi en général est la capacité à nous faire réfléchir sur notre quotidien et à nous le faire percevoir différemment en utilisant le surnaturel, mais par des moyens détournés et par petites touches. Les 2 dernières nouvelles dont je n’ai pas encore parlé sont dans ce cas:  Nous reprendre à la route où une jeune fille se retrouve perdue sur une aire d’autoroute et se rend peu à peu compte que quelque chose ne va pas. Et surtout, Petit théâtre de rame où on retrouve plusieurs narrateurs dans le métro parisien, la nouvelle propose un véritable portrait de la faune du métro et de l’horreur que l’on peut y croiser au milieu de l’indifférence. Ce texte est à la fois triste et plein de sensibilité.

Mélanie nous offre un beau recueil plein de poésie, mettant les sens en valeurs au détriment de la raison. Comme souvent dans un recueil, certaines nouvelles sont en dessous des autres et sont parfois un peu glauques. Mais la qualité de la plume de l’auteure est à découvrir et certains textes de ce recueil sont de vrais bijoux.

Note:7.5/10

Célindanaé

Autres avis: DyonisosBoudicca, Aelinel, BlackWolf, Gromovar

Cette chronique fait partie du challenge francofou  et du challenge littérature de l’imaginaire.

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19 commentaires

  1. J’aime beaucoup cette auteur, elle a toujours d’excellentes idées pour transformer des endroits ordinaires en lieux surprenants (j’ai été très marquée dans ce recueil par Nous reprendre à la route, notamment) 🙂

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  2. De l’auteure, je n’ai lu que « Le jardin des silences », son dernier recueil en date, mais j’avais beaucoup apprécié et je m’étais dit que je devrais lire ses autres parutions. Il serait temps que je m’y mette.
    Mélanie Fazi a une très belle plume, pleine de sensibilité, un vrai plaisir de lecture.

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  3. […] Ma chronique : Ce recueil de nouvelles est le premier livre que je lis de cette auteure, qui généralement bénéficie de commentaires très flatteurs.Les histoires, toutes dans un univers fantastique sombre et parfois même pessimiste, sont écrites dans un style très littéraire et très riche. Les trames des nouvelles elles-mêmes sont minces, l’intérêt réside dans le cheminement intérieur des personnages. Mais après quelques dizaines de pages, j’ai été lassée par l’extrême richesse des phrases, j’ai ressenti un trop-plein de descriptions des pensées des protagonistes, le tout dans un univers souvent inquiétant ou désabusé.Il n’en reste pas moins que certaines pages sont belles, et que quelques histoires sont touchantes, mais je me suis forcée à finir le recueil.En résumé, cette auteure n’est pas faite pour moi !Serpentine : le narrateur entre dans un salon de tatouage, et demande à l’artiste de créer un dessin bien particulier.Élégie : Une femme a perdu ses jumeaux deux ans plus tôt. Elle monte sur la colline où une peluche avait été récupérée. Une courte nouvelle émouvante sur le désespoir d’une mère.Nous reprendre la route : Anouk se retrouve seule sur une aire de repos presque déserte, après que le bus qui l’amenait à Strasbourg l’a oubliée.Rêves de Cendres : à l’âge de 7 ans, Bérénice avait vu un oiseau de feu dans la cheminée et s’était brûlée en voulant le toucher. Elle grandit fascinée par le feu. Une nouvelle dérangeante sur une petite fille qui pense voir un phœnix, mais en réalité qui se fait du mal.Matilda : le narrateur assiste enfin au concert de son idole, qui n’a pas chanté depuis plusieurs années et qui avait annulé la fin de sa dernière tournée.Mémoires des herbes aromatiques : de nos jours, Circé tient un restaurant grec où Ulysse, qui ne l’a pas vue depuis les temps mythiques, vient dîner. La chute est bien vue et nous rappelle que l’Odyssée a quelques archétypes machistes.Petit Théâtre de Rame : Dans le métro parisien, divers personnages voyagent dans les rames… Quel est leur lien ?Le Faiseur de Pluie : en vacances en Italie dans la maison familiale, deux cousins qui s’ennuient dessinent le faiseur de pluie selon le conte raconté par le père de l’un d’entre eux. Une nouvelle sur l’enfance qui voit ce que les adultes ont oublié.Le Passeur : un peintre a assassiné une adolescence et jeté son corps dans le fleuve. Mais celle-ci l’obsède encore.Ghost Town Blues : une ville perdue dans un décor du Far West américain. Un jeune homme naïf arrive dans le saloon et attire l’attention d’un trio de brigands. L’homme est un loup pour l’homme.Autres chroniques dans la blogosphère : Gromovar, Tigger Lilly – le dragon galactique, le biblocosme : Dionysos et Boudicca, Célinedanaë – au pays des cavetrolls, […]

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