La dame au linceul-Bram Stoker

la-dame-au-linceul-799707-264-432 » Là, sur la terrasse, dans la clarté lunaire maintenant plus intense, se tenait une femme vêtue d’un linceul trempé qui ruisselait sur le marbre, faisant une flaque qui s’écoulait lentement sur les marches mouillées. Son attitude et sa mise, les circonstances de notre rencontre, me donnèrent aussitôt à penser, même si elle se mouvait et parlait, qu’elle était morte. Elle était jeune et très belle, mais pâle, de la pâleur éteinte et grise des cadavres.  » Extrait du journal de Rupert Sent Leger, cette scène – dans la pure tradition du genre – donne bien le ton de cet admirable roman gothique où s’entrelacent lettres, billets, fragments de journal intime et notes pour raconter les aventures étranges et inquiétantes d’un jeune homme sans le sou devenu du jour au lendemain châtelain dans les Balkans…

Auteur: Bram Stoker                 Édition Acte sud collection Babel,       parution janvier 1996

Bram Stoker n’est pas seulement l’auteur de Dracula paru en 1897 et un des romans les plus connus dans le genre roman d’horreur mais aussi historique et gothique. Il a aussi écrit en 1909, La dame au linceul, un court roman, lui aussi inscrit dans la tradition du roman gothique. Bram Stoker a écrit une dizaine de romans et des recueils de nouvelles, mais il est surtout connu pour Dracula, qui lui ne connut le succès qu’après la mort de l’auteur en 1912.

Le premier roman gothique est Le Château d’Otrante d’Horace Walpole en 1764. La vague du roman gothique dura jusqu’à environ 1830. Le roman gothique met généralement en scène des fantômes, des châteaux, des personnages terrifiants et des jeunes filles en détresse. L’architecture a une grande importance dans le roman gothique:l’usage d’une architecture médiévale en est même une des caractéristiques principales, ainsi on y trouve des châteaux, des cryptes, des ruines qui ne sont pas de simples éléments du décor, et deviennent même quasiment des personnages à part entière. Les deux autres éléments importants sont la présence du surnaturel qu’il soit réel ou non  et une atmosphère d’angoisse et de mystère. Les frontières entre le réel et les illusions sont fines et on frôle parfois la folie.

On trouve tout cela dans ce court roman qu’est La dame au linceul. L’action se déroule dans un pays appelé les montagnes bleues où le personnage principal hérite d’un grand château. À proximité du château, se trouve une vieille église avec une crypte et des ruines. L’atmosphère d’angoisse est prédominante dans une grande partie du roman tout comme le surnaturel avec la présence de la dame blanche. Ce roman de Bram Stoker s’inscrit donc tout à fait dans la tradition du roman gothique.

Le point de départ de l’histoire est l’héritage du personnage principal Rupert Sent Leger à qui son oncle lègue sa fortune et ses biens mobiliers. Rupert se voit obligé d’aller vivre dans un pays qui fait penser aux pays de l’est mais proche de l’adriatique. Il se familiarise avec la vie du pays et fait la rencontre de la fameuse jeune fille « en détresse » (elle est bien plus que cela…), la dame au linceul qui donne son titre au livre. Les légendes de vampires apparaissent en même temps que cette belle jeune femme.

Comme pour Dracula, Stoker a choisi le mode de narration épistolaire pour raconter son histoire. On y trouve des courriers, et des extraits de journaux intimes. Ce mode de narration convient parfaitement à ce genre de roman. Le gros problème du livre vient du rythme qui pâtit d’un début très lent: en effet 50 pages sur 180 pour arriver à ce que le héro hérite et parte habiter sur le lieu principal de l’histoire, c’est un peu beaucoup, surtout quand il y a 20 pages de termes juridiques et notariés avec lecture de testament. Le seul intérêt de ce début est de mieux situer le personnage de Rupert qui est un aventurier ayant beaucoup bourlingué. C’est dommage, car le reste du roman est très bien écrit et certains passages font presque se hérisser les poils des avant bras. Une fois Rupert arrivé dans les montagnes bleues, le roman trouve un bon rythme et devient très intéressant à lire.

La fin est un peu rapide cependant, et le roman aurait gagné à être mieux construit. Si les thèmes du roman et le mode de narration se rapprochent de Dracula, le livre s’en différencie par pas mal d’aspects. La dame au linceul est beaucoup plus court, les rôles sont inversés par rapport à Dracula, il y a également beaucoup moins de personnages et la fin beaucoup plus surprenante. Ce roman n’arrive certes pas au même niveau que Dracula, mais il se lit très bien, une fois passé le début. Stoker avait admiré Carmilla de Joseph Sheridan Le Fanu publié en 1872 et s’en était inspiré pour Dracula, on peut penser qu’il a voulu lui rendre hommage avec sa dame blanche.

Ce roman aurait donc pu être amélioré mais il en demeure agréable à lire et intéressant sur bien des points: reflet d’une époque et de courant littéraire mais aussi pour sa thématique et sa fin inattendue. Il est très court et peut se lire d’une traite (sans se laisser engloutir par la lecture du testament). La plume de Bram Stoker est agréable et arrive à créer cette atmosphère si caractéristique du roman gothique. Avec une meilleure construction, ce livre aurait pu être très bon, tant la seconde partie du livre est bien écrite et le récit captivant à partir de là.

Note:7/10

Célindanaé

Autre avis: Apophis

 Cette chronique fait partie  du challenge littérature de l’imaginaire. Photo

 

4 commentaires

  1. Merci pour le lien 🙂

    Si la fin paraît si abrupte, c’est parce que d’après ce que j’en sais, l’éditeur français en a retiré 3 chapitres, où Bram Stoker s’étendait sur la situation géopolitique des Balkans. Il a préféré la recentrer sur les personnages.

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